Fin d'exode - fondation de Mururoa

La nuit avait fini par tomber et les voyageurs avaient pris du repos, laissant seulement quelques sentinelles veiller sur eux. Au petit matin, Jeanne, qui était de quart, secoua Roupille et le tira du sommeil.

- Hé Roup, faut que tu te lèves, le vent a tourné.
- Gnmmmh...
- Allez, bouge-toi, on va pas attendre le gel!
- Quelle direction, le vent?
- Il vient du Nord, comme tu voulais.
- ... Putain il fait *froid*.

Il finit bien sur par se réveiller pour de bon, et se rendit à la cuisine en marmonnant et en claquant des dents. Depuis trois lunes on ne se nourrissait quasiment que de poisson conservé dans un peu de sel et beaucoup de froid, généralement en soupe. On avait lancé une série de formations, et les cuisiniers ne pouvaient pas à la fois se former, aider à la manoeuvre des voiliers et faire des miracles culinaires sur une jonque.

Très égoistement, Roupille tenta de se consoler en imaginant qu'on mangeait bien plus mal sur les voiliers menés par Lady, car chauffer la soupe devait y être problématique . Tous les soirs, si le temps le permettait, on y envoyait la soupe du lendemain, au moyen d'une pirogue, dans une grosse tambouille de cantine.

Tout le monde se levait avec plus ou moins de bonne volonté, prenait sa gamelle, et s'efforçait de manger sa soupe tout en maudissant tous les poissons du monde. Quand tout le monde fut prêt, Roupille et Lady lancèrent la manoeuvre: établir assez de toile pour remonter le courant et décrocher les ancres, les lever, puis virer de bord malgré les remorques. Après trois lunes, tout le monde commençait à savoir manoeuvrer les voiliers, et tout se passa bien.

Le convoi passa sous le pont sans aucun problème, et atteignit la position prévue pour y fonder la nouvelle communauté, en plein milieu du fleuve.

Depuis quelques heures déjà le convoi s'était étalé en plusieurs directions: on sondait le fond à la recherche d'un emplacement propice.

Impressionnés par les véhicules de l'armée Métaleuse qui avait massacré tant de Campeurs, les rescapés avaient décidé de fonder leur nouvelle communauté en plein milieu du fleuve, où elle serait peut-être moins vulnérable aux assauts... Tant que l'ennemi ne bâtirait pas un pont jusqu'à elle. Pour l'heure il fallait bâtir cette communauté, et ce serait sportif de faire ça sur l'eau.

Par chance on avait trouvé du matériel près des ruines d'Eden, qui avait servi à mettre en place l'Asile, une autre communauté sur l'eau. On avait d'ailleurs découvert que pour fonder une communauté sur pilotis, il fallait d'abord trouver des volontaires pour plonger sous l'eau malgré l'hiver et aider à les enfoncer dans le sol... Mururoa serait une communauté flottante, du moins jusqu'à ce que l'été arrive. Mais on voulait tout de même se placer au dessus d'un fond haut et stable, pour quand on aurait les moyens de consolider sa position.

Il y eut deux essais infructueux: on trouvait bien des hauts fonds sur le large fleuve, mais on tomba d'abord sur de la roche inexploitable, puis sur des bancs de sable auxquels on ne pouvait se fier dans la durée.

Après ces contretemps, Lady finit par trouver l'endroit qui convenait. Une fois de plus les voiliers mirent en panne face au courant, leurs ancres les maintenant en place, et on les lia au moyen de cables et de poutres. De part et d'autre de l'emplacement de ce qui deviendrait un ponton, ils serviraient à en stabiliser la structure.

Après bien des efforts, un radeau d'environ dix mètres sur cinq, fait de bois et soutenu par des barils de plastique fut mit en place. Il n'était pas beau à voir, mais on vérifia qu'il soutenait le poids de plusieurs personnes.

- Ma foi, dit Roupille pendant la pause, je ne sais pas si ce ponton servira de quai, ou de base à un petit bâtiment, mais je crois que c'est déjà un petit morceau de Mururoa. On n'a plus qu'à l'arrimer avec une ancre.
- Mais alors, remarqua Jeanne, on a enfin fondé notre com

Waelle s'écria alors

LONGUE VIE A NOTRE COMM' !

Et elle se mit à chanter dans une langue inconnue des autres Mururoens

Alors chantons pour faire en sorte que les bons esprits soient au rendez-vous...

Ouélé
Ouélé
Mélimba méliwé
Ouélé
Ouélé
Mélimba méliwe
Atchi Kouri bemba
No so to ké rimba
Mélimba méliwé

Ne comprenant absoluement rien a ce que racontait Waelle, Kikaha écouta attentivement les sons et reprit en coeur tout en frappant des mains.

-Mélimba méliwé...